Opinions : Croquis mensuel de Pascal Francq – Janvier 2017
Pascal Francq

Pourquoi tant de haine ?

Suite à mon dernier billet consacré au rôle des médias sociaux dans la victoire de Donald Trump, plusieurs lecteurs ont réagi. Ils insistent notamment sur la responsabilité de l’anonymat dans le déferlement de rumeurs et de contre-vérités sur la Toile.
Plus récemment, et sur le sujet nettement plus léger d’un changement de licence d’un logiciel de musique, j’ai pu observer in situ la dynamique destructrice que peut générer le Web. Ici aussi, l’anonymat favorise des messages insultants et faux.
Certains en appellent aujourd’hui à une forme de «contrôle» des contenus par les fournisseurs de services. D’autres misent sur le développement d’outils informatiques pour distinguer les «mauvais messages» des «bons».
Je partage le constat d’une forme de «poubellisation d’internet», même si le (très) bon s’y trouve aussi. Mais je ne crois ni en l’auto-régulation des fournisseurs, ni en des solutions purement technologiques.
Mon sentiment personnel est que nos États démocratiques devraient se montrer plus volontaristes. Il me semble urgent d’introduire une meilleure régulation démocratique et transparente d’internet ainsi qu’un enseignement d’une réelle culture numérique à nos (futurs) citoyens.

L’anonymat en ligne

Le Larousse caractérise l’anonymat comme le substantif relatif à l’adjectif «anonyme» qui «se dit de quelqu'un dont on ignore, le nom». Cette définition suppose le manque de lien entre une «personne symbolique» (par exemple Banksy) et une «personne réelle» (disons Marcel Tartempion).
Partant de là, on pourrait parler d’anonymat en ligne lorsqu’il n’est pas possible d’établir un lien entre une action en ligne et une personne (physique ou morale). Mais je pense qu’il serait plus pertinent de distinguer «l’anonymat technique» et «l’anonymat social».
Pour bien comprendre cette distinction, il convient d’expliquer le fonctionnement de l’échange de données sur internet. Lorsque deux ordinateurs échangent des données (courriel, requête pour afficher une page Web, renvoi de formulaire en ligne, etc.), chacun dispose d’une adresse IP unique qui l’identifie sur le réseau  [A]  [A] En pratique, plusieurs ordinateurs d’un sous-ensemble peuvent sembler utiliser une même adresse IP pour les autres machines connectées à internet. Ainsi, un fournisseur d’accès en ligne utilise parfois un nombre limité d’adresses IP pour connecter ses clients à internet. Néanmoins, à chaque moment, il sait quel client utilise quelle adresse IP. .
En théorie, chaque ordinateur sait donc avec quelles adresses IP il échange quelles données. Ainsi, lorsqu’un internaute se rend sur un forum de discussion en ligne et y poste un message, l’hébergeur retient que telle adresse IP a été utilisée pour consulter le forum et y ajouter tel message.
Les fournisseurs d’accès [B]  [B] Par fournisseur d’accès, j’entends tout acteur qui sert d’intermédiaire entre un internaute et internet. À la maison, il s’agit des entreprises de télécommunication ; au boulot, il s’agit des organisations pour lesquelles on travaille. gardent une trace de l’utilisation des adresses IP. En d’autres termes, s’ils souhaitent savoir qui a effectué une action en ligne avec une certaine adresse IP à un certain moment (par exemple lors d’une enquête de police avec mandat), ils peuvent identifier le compte client et/ou l’ordinateur qui a été utilisé.
L’anonymat technique suppose la mise en œuvre de technologies rendant (quasi) impossible l’identification de l’adresse IP impliquée dans une action en ligne. Il existe différents outils assurant cet anonymat technique, mais ils sont peu connus du grand public et parfois compliqués à utiliser.
Revenons à notre hébergeur de forums en ligne. Sa connaissance de l’adresse IP utilisée pour poster un message ne lui permet pas d’identifier la personne qui l’a rédigé. En effet, l’hébergeur n’a pas accès (en démocratie du moins) au lien entre adresse IP et personne, lien conservé par les seuls fournisseurs d’accès.
Lorsqu’un internaute agit sur internet dans un contexte donné, il le fait par la médiation d’un avatar. Celui-ci est la représentation qu’il se donne dans ce contexte [C]  [C] Cette représentation peut prendre plusieurs formes. Par exemple, dans les réseaux sociaux en ligne, il s’agit souvent d’un nom (qui peut être le nom réel d’une personne ou un pseudo quelconque) associé à une image (parfois une photo de l’internaute).. L’avatar incarne donc la «personnalité» que l’internaute souhaite projeter aux membres d’un réseau social en ligne particulier (Facebook, forums en ligne, journaux, etc.).
Un internaute n’est pas limité dans le nombre d’avatars qu’il se crée. Il peut même utiliser plusieurs avatars au sein d’un même réseau social en ligne. Certains de ces avatars sont explicitement liés à l’internaute (tels mon compte Twitter «@PascalFrancq»), mais ce n’est pas obligatoire.
Lorsqu’une action est effectuée en ligne (comme poster un message sur un forum), seul l’avatar correspondant est identifiable. Je définis dès lors l’anonymat social comme l’utilisation d’un avatar non explicitement lié à une personne (physique ou morale).
L’anonymat social n’implique pas forcément l’anonymat technique [D]  [D] Le contraire est vrai aussi : un internaute peut agir en pleine lumière tout en rendant le traçage de son ordinateur (quasi) impossible.. Cette distinction est importante. En effet, autant l’anonymat technique peut nécessiter certaines compétences pointues, autant l’anonymat social est à la portée du premier internaute venu.

L’anonymat social

Petit manuel de l’anonymat social. Un internaute se crée un compte courriel sur Gmail distinct de son compte normal. Avec ce courriel, il s’inscrit à plusieurs réseaux sociaux en ligne en se créant différents avatars caractérisés par des pseudos sans image ou avec des images génériques.
Il pourra alors envoyer n’importe quel message sans trop craindre que cela remonte jusqu’à lui. Il pourra même utiliser son «avatar officiel» pour s’offusquer des contenus des messages qu’il envoie avec ses avatars anonymes !
Comme me l’ont signalé différents lecteurs, on observe tous les jours les impacts négatifs de cet anonymat social à grande échelle sur le Web : insultes, racisme, appels à la haine, cyberharcèlement, rumeurs, contre-vérités, etc.
La lecture des commentaires laissés en dessous des articles des journaux en ligne illustre parfaitement ces dérives. Différentes études faites sur ces messages montrent que les échanges constructifs sont très minoritaires et qu’ils aboutissent, le plus souvent, à une polarisation des internautes [1]. Plusieurs journaux ne publient d’ailleurs plus de commentaires en ligne.
Ceci dit, l’anonymat social n’est pas mauvais en soi. Différentes études suggèrent que les personnes se révèlent plus rapidement et plus profondément dans des communications interpersonnelles en ligne, notamment parce que l’absence (préalable) d’interactions physiques cache certaines caractéristiques discriminantes [2, 3]. De même, l’anonymat sociale facilite souvent la discussion de sujets difficiles [4].
Néanmoins, l’éventail des actions malveillantes réalisables grâce à l’anonymat social est très large. Déterminer une typologie des motivations de ces actions demanderait une étude scientifique rigoureuse sur un large corpus provenant de plusieurs sources (réseaux sociaux en ligne, forums, etc.).
On trouverait évidemment la «bêtise en ligne», c’est-à-dire la diffusion d’informations fausses par des internautes de bonne foi. Que ce soit par manque d’éducation, ou parce qu’ils relaient une information trouvée ailleurs sans la vérifier, cette problématique relève d’un déficit éducationnel qui dépasse le cadre d’internet stricto sensu.
Je vais plutôt me concentrer sur trois catégories de motivations : la frustration, la transgression et la manipulation. Cette cartographie est bien évidemment très incomplète, et je serai incapable d’affirmer qu’elle est bien représentative. Mais elle me permet de dépeindre, certes de manière plutôt intuitive, un certain quotidien en ligne.

La frustration en ligne

Ne dit-on pas : «Crier permet d’évacuer la frustration» ? Avec internet, on peut crier à «la face du monde» tout en limitant fortement les conséquences d’outrances grâce à l’anonymat social. Mauvaise journée ? En désaccord total avec une décision sur laquelle on n’a pas de prise ? Internet permet de se défouler.
La frustration suscitée par les dérives inacceptables de certains responsables politiques (petites combines, enrichissement personnel, corruption, etc.) alimente ainsi les sentiments antipolitiques. Le «tous pourris» est un message facilement diffusable sur les réseaux sociaux.
Dans la vie hors ligne, l’internaute serait peut-être confronté à des contradicteurs qui lui rappelleraient que les politiciens véreux constituent une minorité. Il serait sans doute accusé intuitu personæ d’entretenir un certain populisme dangereux pour nos démocraties. Rien de tout cela en ligne.
Dans le cas du logiciel de musique dont je parlais dans l’introduction, la frustration est partiellement engendrée par le nouveau modèle de licence qui ne convient pas à tout le monde. Plusieurs utilisateurs mécontents ont expliqué, par messages en ligne interposés, tout le mal qu’ils pensaient de ce modèle. Action évidemment parfaitement légitime.
Mais un petit groupe d’internautes va s’employer à générer un véritable torrent d’insultes («voleurs», «menteurs», etc.) et d’exagérations en tout genre (telles des fonctionnalités non implantées et présentées comme des bugs). Ils vont multiplier la création de comptes et copier/coller leurs messages à travers le Web.
Si j’étais à leur place, je me serais concentré sur l’analyse des logiciels concurrents pour choisir celui qui correspond le mieux à mes besoins. Alors qu’ici, ils passent des heures à vociférer en ligne. Certains de ces internautes reconnaissent même n’avoir jamais acheté le logiciel !
Tout ceci me laisse penser qu’une partie des frustrations trouve ses origines ailleurs, et qu’un événement particulier (tel le changement de licence ou un scandale politique local) sert juste d’excuse, probablement parmi d’autres, pour «se lâcher» en ligne en toute impunité.
L’importance du phénomène a donné naissance au terme de «trolls» pour désigner ces internautes qui se cachent derrière l’anonymat social pour distiller des controverses et prendre un malin plaisir à tenter de déstabiliser des communautés en ligne.

La transgression en ligne

Cette impunité apparente permet surtout de s’affranchir des normes de régulation sociale et d’oser remettre en cause des valeurs qui, tout en paraissant communément partagées, ne le sont plus dès l’instant où l’anonymat favorise l’abandon de la préoccupation de l’image qu’on offre de soi en société.
L’expression, parfois au-delà de toute limite, du racisme, de l’extrémisme ou de l’incitation à la haine en sont, malheureusement, la meilleure illustration.
L’esprit des Lumières est censé favoriser l’acception des différences (physiques, culturelles, religieuses) par l’élaboration d’un Contrat social basé sur des valeurs dans lesquelles chacun peut se retrouver. Tout propos raciste est intolérable en démocratie, et souvent juridiquement condamnable.
On observe d’ailleurs comment les partis d’extrême-droite tentent de se dé-diaboliser en n’attaquant plus frontalement les différences (par exemple de religion), mais en détournant des concepts comme la laïcité et en procédant par amalgames (comme réfugiés et terrorisme).
Mais, sur internet, grâce à l’anonymat social, on ne craint pas grand-chose à exprimer toute sa haine envers une communauté ou une personne. On peut y écrire des choses qu’on n’oserait certainement pas dire «pour de vrai» dans la vie hors ligne.
De la haine au cyberharcèlement, il n’y a qu’un pas. Dans un blog précédent, j’avais déjà expliqué qu’il s’agissait d’un problème majeur, notamment pour les jeunes internautes [5]. Et parfois, ça tourne au drame. C’est le cas du suicide de cette jeune fille après que la mère de l’une de ses camarades de classe lui eut brisé le cœur via un avatar masculin créé sur un réseau social en ligne [6].
Des chercheurs estiment même que le comportement de certains trolls indique des troubles psychologiques antisociaux (sadisme, psychopathie et machiavélisme) [7]. On n’est donc pas toujours dans l’expression d’une frustration, mais bien parfois dans le plaisir de faire souffrir, fût-ce par ordinateur interposé.

La manipulation en ligne

Toutefois, on aurait tort de penser que toute action en ligne malveillante effectuée anonymement relève d’une pathologie psychiatrique. Parfois, les trolls sont des gens parfaitement sains qui tentent d’influencer, voire de manipuler, les autres internautes.
Pierre Bourdieu a bien montré comment les relations de pouvoir s’établissent en fonction de la répartition des différentes formes de capital entre les acteurs [8]. Parmi ces dernières, il distingue le capital économique, culturel, social et symbolique.
En particulier, le capital social est défini comme la «possession d’un réseau durable de relations d’interconnaissance et d’inter-reconnaissance » [9]. En d’autres termes, une personne (physique ou morale) tentera de mobiliser les réseaux sociaux (en ligne et hors ligne) pour consolider sa position au sein d’un champ donné [E]  [E] Pour Pierre Bourdieu, la société est constituée par une imbrication de champs (économique, politique, culturel, religieux, etc.). Chaque champ dispose de sa logique propre qui découle des enjeux qui s’y déroulent et de la manière dont des atouts y sont valorisés. .
On comprend dès lors l’intérêt des trolls à envahir internet. En multipliant la publication de messages, ils cherchent à insuffler certaines idées. Même si les arguments avancés sont ensuite balayés, les trolls espèrent qu’il en restera quelque chose dans l’esprit des internautes selon l’adage bien connu «il n’y a jamais de fumée sans feu».
La Chine, par exemple, finance une armée de blogueurs qui occupent le Web (du moins dans sa «partie chinoise») pour promouvoir ses dirigeants [10]. De même, lors des élections présidentielles américaines de 2008, de nombreux trolls font circuler la rumeur que Barack Obama n’est pas né aux États-Unis.
Les motivations sont parfois plus terre-à-terre. Ainsi, une entreprise pourrait trouver un avantage à payer des trolls pour égratigner la réputation d’un concurrent. De même, de nombreux commentaires en ligne qui prétendent donner un avis sur certains produits (hôtels, livres, etc.) sont publiés artificiellement pour allécher le client.
Durant les dernières élections américaines, un internaute malin, mais peu scrupuleux, relaie via un site créé pour l’occasion des informations invraisemblables, qu’il savait fausses, sur Hillary Clinton. Il ne supportait pas Donald Trump non plus, mais cherchait uniquement à générer un gros trafic sur son site [12]. Ce trafic lui a permis d’engranger jusqu’à $1,000 de l’heure grâce à la publicité en ligne !

La censure n’est pas une solution

Si de nombreuses actions malveillantes sont possibles grâce à l’anonymat en ligne, je ne crois pas que les formes de censure avancées pour limiter ces actions soient efficaces.
Certains prônent une auto-régulation des fournisseurs sur les contenus qu’ils hébergent. Mais laisser des acteurs privés décider quels contenus (ou quels critères relatifs à ces contenus) sont légitimes ou non m’apparaît dangereux.
Tout d’abord, au vue de la masse des contenus à vérifier, ces fournisseurs seraient obligés de déployer des technologies pour le faire. Or, malgré les avancées phénoménales de l’intelligence artificielle, la compréhension du langage humain reste encore un défi aujourd’hui [13].
Dès lors que des notions comme l’humour ou la satire sont hors de portée des ordinateurs (du moins pour le moment), les risques sont énormes que de nombreux contenus parfaitement légitimes soient catégorisés comme illégitimes et donc bloqués.
Le risque est surtout que des technologies se limitent à vérifier la présence ou l’absence de certains mots-clés pour définir le caractère légitime ou non d’un contenu. Du coup, un article tentant de déconstruire des thèses racistes pourrait bien être censuré puisqu’il contiendrait ces mots-clés.
Mais, au-delà de l’aspect purement technologique, qu’est-ce qui qualifierait un fournisseur de services, qu’il soit un géant américain proposant un réseau social en ligne mondial ou une petite entreprise belge hébergeant un forum public, pour décider de ce qui est légitime ou non ?
Cette question est d’autant plus centrale qu’on constate, en pratique, des phénomènes de surblocage dus à des formes d’auto-censure des fournisseurs de service [14]. En d’autres termes, des contenus parfaitement légitimes sont censurés par excès de prudence.
C’est ainsi que Wikipédia s’est retrouvé complètement bloqué par des opérateurs britanniques en décembre 2008 [15]. Suite à la pression d’une association choquée par la pochette de l’album Virgin Killer du groupe Scorpions visible sur sa notice, certains opérateurs ont préféré tout bloquer !
Par ailleurs, certaines entreprises adoptent parfois des comportements non éthiques. Ainsi, entre 2006 et 2009, le moteur de recherche Google Search censurait le site Web de Foundem, un concurrent potentiel [16]. Et on sait que les géants du numérique sont prêts à de nombreuses concessions pour pénétrer le marché chinois.

Miser sur les alternatives à la censure

Si, selon moi, la censure n’est pas une bonne solution, des alternatives existent cependant.
À commencer par notre système juridique. En effet, la loi qualifie certains propos comme illégaux (diffamation, racisme, etc.), et cette loi s’applique aussi aux contenus en ligne. Les États pourraient donc se montrer plus proactifs dans le respect de celle-ci sur le Net.
Je plaide donc pour la mise en place d’agences de régulation indépendantes d’internet qui disposeraient des moyens financiers et humains pour faire respecter (l’esprit de) la loi [17] [F]  [F] Certains défendent l’absence de régulation d’internet, notamment en pointant les dangers antidémocratiques. Mais les régimes autoritaires et dictatoriaux déploient d’ores et déjà des outils de contrôle sur le Net (grâce à des entreprises occidentales d’ailleurs). Quant à nos démocraties, une organisation de régulation directement sous l’autorité de l’exécutif poserait effectivement des questions. C’est pourquoi je milite pour des agences indépendantes et transparentes (avec participation citoyenne).. Je suis convaincu qu’une régulation transparente et démocratique apporterait un début de solution.
Vinton G. Cerf proposait récemment de miser sur une plus grande collaboration entre internautes pour contrer la désinformation en ligne [18]. Même si une telle solution ne résoudrait pas seule les problèmes, je partage l’idée qu’elle y contribuerait. Plusieurs initiatives s’inscrivent d’ailleurs dans cette logique.
C’est le cas du projet de recherche WebDeb, développé par l’Université Catholique de Louvain et l’Université de Namur. Il s’agit d’une plate-forme en ligne qui permet aux internautes de cartographier les affirmations (scientifiques, politiques, etc.) [19]. Un outil pour alimenter notre esprit critique !
Car l’esprit critique est bien évidemment l’arme fatale contre les contenus illégitimes. Trop souvent, nous semblons prêts à croire n’importe quelle exagération dès lors qu’elle renforce nos préjugés. Seul l’enseignement d’une démarche scientifique peut compenser cette dangereux inclination de l’esprit humain.
En particulier, les (futurs) internautes (à commencer par certains journalistes) gagneraient à comprendre les dynamiques en œuvre dans les réseaux sociaux en ligne, à détecter les trolls et à disposer d’une démarche fondée pour vérifier toute information en ligne.
Ces solutions alternatives, combinées avec d’autres à inventer, participent à une réponse aux problèmes en ligne. Elles demandent des investissements publics importants. Une piste : utiliser une partie des bénéfices engrangés via internet pour combattre certains méfaits qu’il engendre. Mais ceci est une autre histoire…

Références

[1] Violaine Morin, «Troller, débattre, se répéter… pourquoi commenter un article en ligne ?», Le Monde, 2016.

[2] Malcolm R. Parks & Kory Floyd, « Making Friends In Cyberspace », Journal of Communication, 46(1), pp. 80–97, 1996.

[3] Adam N. Joinson, « Self-Disclosure In Computer-Mediated Communication: The Role of Self-Awareness and Visual Anonymity », European Journal of Social Psychology, 31(2), pp. 177–192, 2001.

[4] Mikaël Gléonnec, « Messagerie électronique synchrone et structuration du lien social en entreprise », dans Colloque Organisation Media, pp. 1–9, 2004.

[5] Michel Walrave, Marie Demoulin, Wannes Herman & Aurélie Van der Perre, Cyberharcèlement : Risque du virtuel, impact dans le réel, Observatoire des Droits de l’Internet, 2009.

[6] Jaron Lanier, You Are Not a Gadget, Borzoi Book, 2010.

[7] Erin E. Buckelsa, Paul D. Trapnellb & Delroy L. Paulhusc, « Trolls just want to have fun», Personality and Individual Differences, 67, pp. 97–102, 2014.

[8] Pierre Bourdieu, La distinction, Les Éditions de Minuit, 1979.

[9] Pierre Bourdieu, « Le capital social », Actes de la recherche en sciences sociales, 31(1), pp. 2–3, 1980.

[10] François Bougon & Brice Pedroletti, «En Chine, le règne de Xi, “Mao moderne”», Le Monde, 2014.

[11] Ruogu Kang, Stephanie Brown & Sara Kiesler , «Why do people seek anonymity on the internet?: informing policy and design», dans Proceedings of the SIGCHI Conference on Human Factors in Computing Systems (CHI ’13), pp. 2657–2666, 2013.

[12] Scott Shane, «From Headline to Photograph, a Fake News Masterpiece», The New York Times, 2017.

[13] Will Knight, «AI’s Unspoken Problem», MIT Technological Review, 119(5), pp. 28–37, 2016.

[14] Christopher T. Marsden, Net Neutrality: Towards a Co-Regulatory Solution, Bloomsbury Academic, 2010.

[15] Milton L. Mueller, Networks and States: The Global Politics of Internet Governance, MIT Press, 2010.

[16] James Grimmelmann, « Some skepticism about search neutrality », dans The Next Digital Decade: Essays on the Future of the Internet, Berin Szoka & Adam Marcus (éds.), pp. 435–459, TechFreedom, 2010.

[17] Pascal Francq, Neutrality in internet regulation: three regulatory principles, white paper, Paul Otlet Institute, 2014.

[18] Vinton G. Cerf, «Information and Misinformation on the Internet», Communications of the ACM, 60(1), p. 9, 2017.

[19] Louise-Amélie Cougnon & Bernard Delvaux, «WebDeb – Une aide logicielle à l’argumentation», Vivre le français, 247, 2015.